dimanche 22 juin 2008

"C'est vrai ou je mens ?" *





« Que, sans compétence particulière, on puisse écrire des lettres rend impossible de les lire correctement. »
 
« L’incompréhension est impossible à circonscrire. On ne la soigne pas à coups d’explications. »
 

Mathieu Lindon, Mon cœur tout seul ne suffit pas (P.O.L, 2008) 


J’aime bien les romans de Mathieu Lindon. On les dirait écrits par un vieil enfant dyslexique dont l’orthophoniste aurait été un symboliste belge. Leur style faussement naïf, leur ambiguïté, leur indécidabilité (si on me permet ce mot affreux, terreur des bègues), leur cruauté douce et leur inquiétante cocasserie accrochent à mes lèvres un demi-sourire qui ne me quitte qu’à la fin d’une lecture souvent rapide, le bonhomme sait conduire un récit. Il sait aussi décevoir, dans tous les sens du mot, et la déception est un des grands plaisirs de la littérature (et aussi de La Littérature, un autre roman de Mathieu Lindon). Dans Mon cœur tout seul ne suffit pas, le héros, Mathieu, découvre page 10 qu’il a tenu une place centrale dans la vie d’un homme dont il ne se souvient qu’aux alentours de la page 100. Avant que, page 110,



Soudain, mon aveuglement s’appelle lucidité. 
 

il se sera débattu (pour notre délectation), mal à son aise et bientôt malade, fiévreux, sujet aux évanouissements, dans la glu de la gratitude sans bornes que lui voue la famille d’un mort, ce « meilleur ami » qui lui devrait tout, qui lui léguerait sa maison, et dont il n’a absolument aucun souvenir. Les révélations successives du récit ont un petit air improvisé et parfois forcé qui n’est pas déplaisant. Certaines phrases sont peut-être un peu trop belles pour être honnêtes :



À quoi ça sert de n’avoir des doigts que pour jeter une pierre sur des pianistes ? 
 

mais on pardonne à l’auteur ses coquetteries, parce qu’il a un bon fond : bon fond qu’il met tout un roman à toucher, d’ailleurs Mon cœur tout seul... est un livre touchant. 
 


* Cette question est le refrain de l’un des personnages, Ikbal, neuf ans, qui mène avec sa sœur Dounia le narrateur... en bateau (la pièce En bateau, de Debussy, tient un rôle important dans le livre, de même que la deuxième sonate pour clarinette de Brahms : jolie B.O.).







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