dimanche 3 octobre 2010

Foutrement pas drôle






ONE MAN SHOW



Dans un théâtre de Hollywood

j’ai assisté au one man show de mon pote Mike



Il ne boit plus depuis des années

et son génie de la sitcom lui a valu un Emmy

Hier soir

sa rage contre la vie

l’amertume d’un amour

et d’une paternité

ratés

ont calciné une soixantaine de spectateurs

muets comme la mort

pendant soixante-quinze putains de minutes

de malaise

foutrement pas drôle



En partant comme un con par le mauvais couloir

je me suis retrouvé coincé dans la loge de Mike

lambrissée de formica

sous une unique néon



Mike a désespérément besoin de compliments

sur son solo de divagations

et je ne sais pas ce qui me prend de lui dire la vérité

« Ça ne m’a pas fait rire

ça m’a rendu triste je suis désolé »



Et voilà mon Mike

sa gueule ravagée

de cinquante balais

instantanément dégonflée

décomposée



Le voilà réduit au silence



Six secondes plus tard je suis dans le couloir

qui mène au parking

en me disant

bien joué ducon

dans ta vie à rallonge d’hurluberlu de débile de mufle

quand comptes-tu apprendre à ne pas dire aux gens

ce que tu penses

et à faire le nécessaire pour ne pas perdre tes amis ?



Une dose d’hypocrisie et une bonne pipe

rien de tel pour envoyer un mec au paradis

à

Los Angeles



Un chat mort puant et pourri

emmuré derrière ton lit

là voilà la vérité

un conte de fées

d’une pénible

vanité

 

Dan Fante (b. 1944)

Bons baisers de la grosse barmaid, poèmes d’extase et d’alcool (2008)



traduction de l’anglais de Patrice Carrer, 13e Note Éditions.


3 commentaires:

  1. Le papa a l'air plus puissant que le fiston... du moins pour le souvenir que j'en ai.
    je note d'aller vérifier.
    merci :-) !

    RépondreSupprimer
  2. La production de Dan Fante est assez inégale, mais c'est un de ces cabossés attachants. Si mes souvenirs sont bons, j'avais beaucoup aimé "En crachant du haut des buildings" (un roman fortement autobiographique comme tous ses livres). Il a écrit aussi un texte intéressant sur le grand John son père, au titre éloquent : "Dommages collatéraux".

    RépondreSupprimer