mardi 10 juillet 2012

L'indescriptible petitesse du champ



"[...] pourquoi l’artiste ne peut-il rien faire d’autre ? est une question que je me pose en permanence. Il ne peut pas : fort bien ! Mais Scott pouvait. Et Montaigne. Et Jules César. Et beaucoup d’autres. Pourquoi R.L.S. ne peut-il pas ? Cela ne te sidère-t-il pas ? Moi, si. Je pense aux types de la Renaissance, à leur humanité universelle, et je la compare à l’indescriptible petitesse du champ dans lequel nous déployons nos efforts, pour des résultats bien modestes. Je trouve que David Balfour est un beau petit livre, très artistique, parfait pour meubler les loisirs d’un homme occupé ; mais comme couronnement d’une vie d’homme, cela me semble insuffisant. Petit, c’est le mot ; c’est une petite époque, et j’en fais partie. J’aurais pu espérer avoir d’autres occupations dans ce monde. J’aurais dû être capable d’édifier des phares et d’écrire des David Balfour aussi. Hinc illae lacrymae. Je prends mon propre cas par commodité, mais c’est une illustration de mon désaccord avec l’époque. Nous faisons tant d’efforts, et nous ne faisons pas aussi bien que Michel-Ange ou Léonard, ou même Fielding, qui était un magistrat actif, ou Richardson, qui était un libraire occupé. J’ai honte pour nous ; j’ai les oreilles qui sifflent."

Stevenson à W.H. Low, 15 janvier 1894


"Je me trouve dans cet état où un homme se demande comment on peut être assez bête pour embrasser la profession d'homme de lettres au lieu de devenir apprenti barbier, ou de tenir un étalage de patates au four."


Le même à Henry James, 7 juillet 1894


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