vendredi 15 mai 2015

La peur du noir est culturelle




« Une vache a-t-elle peur du noir ? Pas du tout. La peur du noir fut inventée au néolithique. En son temps, Cro-Magnon n’eut pas un instant peur du noir, il s’enfonça, serein, dans des sombres grottes de plusieurs kilomètre de long, il pratiqua sa peinture allongé dans des passages étroits et malcommodes, dans le noir, sans aucune visibilité, dit à voix basse Dolorès, qui, à 8 ans, se trouve terrorisée derrière le canapé du salon, depuis le début d’une panne de courant. Il faut se souvenir que la peur du noir ne fut pas un sentiment naturel, se murmure Dolorès, as-tu déjà vu des vaches qui ont peur du noir ? Ha ha ha ! Bien sûr que non. La peur du noir est culturelle et se développa au néolithique, quand Homo sapiens commença à vivre en communautés sédentaires ; nous ne voulûmes en aucun cas comparer Cro-Magnon à un animal, mais les vaches n’ont pas peur du noir, les animaux dans leur ensemble n’ont pas peur du noir. » Il est 3 heures du matin, ce chuchotement dure dans le noir complet depuis 11 heures du soir, cette litanie chuchotée par une petite fille qui parle bien français malgré un emploi proliférant du passé simple, qui parle un excellent français si l’on considère qu’elle n’est arrivée de Hong Kong que depuis deux mois. 

Emmanuelle Pireyre, Foire internationale (Les petits matins, 2012)








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