mardi 29 août 2017

Un bon rêveur ne se réveille pas





"La musique, le clair de lune et les rêves sont mes armes magiques. Toutefois par musique on ne doit pas seulement comprendre celle que l'on joue, mais aussi celle qui reste éternellement non jouée. Par clair de lune on ne doit pas supposer non plus que l'on parle seulement de celui qui vient de la lune et donne aux arbres de grands profils ; il y a aussi un autre clair de lune que le soleil lui-même n'exclut pas, et qui obscurcit, en plein jour, ce que les choses feignent d'être. Il n'y a que les rêves qui soient toujours ce qu'ils sont. Ils sont cette partie de nous où nous sommes nés, où nous sommes toujours naturels et nous-mêmes. 
— Mais, si le monde est action, comment le rêve peut-il faire partie du monde ? 
— C'est que le rêve, Madame, est une action devenue une idée, et qui conserve donc la force du monde et en rejette la matière, c'est-à-dire le fait d'exister dans l'espace. N'est-il pas vrai que dans le rêve nous sommes libres ? 
— Oui, mais comme il est triste de se réveiller... 
— Un bon rêveur ne se réveille pas. Je ne me suis jamais réveillé. [...] 
— Mais enfin, qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous ainsi masqué ? 
— À vos deux question, je vous réponds, d'une seule réponse, je ne suis pas masqué. 
— Comment cela ? 
— Madame, je suis le Diable. "

Fernando Pessoa, L'heure du Diable


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